Les Massacres d’Or 2021

Vous ne comprenez pas les conversations de vos amis lorsqu’ils discutent d’oeuvres culturelles qui racontent des histoires ? Peut-être éprouvez-vous de la gêne pendant des événements mondains où se trouvent des personnes plus intelligentes que vous ? Votre bonheur en souffre, et votre plaisir de vivre a baissé de 24 % ou plus ? N’hésitez plus : parcourez ci-dessous le bilan 2021 du Massacre, le blog de culture le plus cruellement lucide de l’internet. Vous y trouverez les films, livres, séries télé, BD et jeux vidéo que j’ai le plus aimés dans l’année. Les fidèles savent que j’y mentionne uniquement les oeuvres que j’ai découvertes en 2021, en veillant à ce qu’elles soient néanmoins récentes (disons parues dans les 3 dernières années) afin de donner à la sélection un semblant d’actualité.

Avant de commencer, un petit bilan du blog lui-même, puisqu’il faut bien que je tienne ma fanbase au courant de la réussite de leur endroit préféré sur la toile. Amis de la fanbase, sachez que votre affection est partagée ! Depuis la reprise du blog en 2019, le nombre de visiteurs croît avec régularité. 427 la première année, puis 1839 l’an dernier, et on a passé les 2000 cette année, sans compter le mois de décembre (rien que cet article va faire au moins 10 000 vues !). Les 2040 visiteurs ont lu 3380 pages en tout, ce qui signifie que votre capacité d’attention est de 1,65 pages en moyenne. Et après on dit que l’internet vampirise les capacités cognitives, rooooh. C’est très bien, ne changez rien les gars !

La page la plus lue et de loin (en dehors de la page d’accueil) a été celle sur le racisme dans les arts narratifs. Savoir que j’ai une fanbase de woke islamo-gauchistes qui font de la cancel culture, ça me remplit le coeur d’allégresse vous pouvez pas savoir. En plus c’est genre de très très loin (211 vues devant l’article sur le jeu Röki, 137 vues, et l’index, 129 vues). Vous êtes également un public de vieux car les visiteurs proviennent en majorité de Facebook (44 % des provenances), de moteurs de recherche quelconques (7 %), et un peu de twitter et de forums où je poste des trucs (7 % aussi). Le reliquat (42 %), c’est donc les fidèles des fidèles, ceux qui ont Le Massacre dans leurs favoris ou débarquent de l’alerte par mail. Bravo vous êtes les meilleur.e.s, je vous enverrai personnellement une page à grands carreaux dédicacée (ah non finalement je peux pas).

Plus surprenant, si vous êtes majoritairement (à 84 %) français de France, je dirais presque français de branches (c’est les français de souche mais dont on n’est pas sûr), il y a également 5 % d’étatsuniens égarés (sachez que je ne vous aime pas), quelques poignées de gens au Canada, en Suisse, en Belgique (tout ceci égale 4 %), quelques british (3 %), et si vous voulez tout savoir il y a même des individus bien ciblés en Estonie, en Erythrée, au Gabon, et trois tondus en Nouvelle-Zélande. Aucun Japonais par contre.

Sachez enfin, et c’est ma fierté ultime, que mon schéma sur la notion de genres a été téléchargé plus de 80 fois !

Maintenant que tout cela est dit, passons à la cérémonie proprement dite.


Massacre d’Or de la meilleure Série télé

Saine activité de couple consistant à digérer son repas pendant une heure ou deux avant d’aller se coucher pour se donner l’impression d’avoir une vie et ainsi éviter le burn-out, le visionnage de série télé a été plutôt productif cette année. Quelques vieilleries furent ressassées (on regarde tous les ans Avatar le dernier maître de l’air c’est la moindre des choses) ou même découvertes (Downtown Abbey, une série qui est principalement longue, entre autres caractéristiques), mais quelques trouvailles récentes et de bon goût ont pu concourir. Si la gagnante Beastars, originalité nippone surprenante et décoiffante, a été élue sans hésitation, je serais toutefois bien en peine de dire laquelle de The Good Place ou de Sex Education peut prétendre à la place de dauphin. Regardez les deux, au cas où.


Massacre d’Or du meilleur film

Je sais ce que vous allez me dire. « Oui mais quand même Dune tout ça, après tout le foin que t’en as fait tout ça » (je n’exagère pas vous parlez vraiment comme ça, je vous assure essayez de vous améliorer). Alors oui, Dune bien sûr, mais je vais être honnête avec vous : aussi magistral que fut l’adaptation de Denis Villeneuve, je ne suis pas encore certain de son impact durable sur l’art de la cinématographie, et ce pour au moins deux raisons. La première : il faut attendre la suite (donc des années) pour s’assurer que la fin un peu frustrante du premier opus soit complétée par une oeuvre à la hauteur. La seconde : Dune excelle, mais n’invente pas non plus quelque chose de foncièrement nouveau dans son registre, que ce soit au niveau du fond (le roman d’Herbert a tout de même 60 ans) ou de la forme (hyper maîtrisée mais pas vraiment surprenante). Parasite par contre, alors là pardon mais en dehors d’être une masterclass de mise en scène comme seuls une poignée de cinéastes au monde en sont capables (Spielberg, PT Anderson, Cuaron, Tarantino… et puis c’est tout ?), il y a dans ce film un propos finement entrelacé à la réalisation, propos dont je prophétise qu’on en reparlera encore dans des décennies, parce qu’il a su saisir des traits fondamentaux de son époque. Certes, l’actualité n’est pas la même, elle aurait dû me pousser du côté de Dune, mais la passion, elle, m’a rapproché de Bong Joon-ho.


Massacre d’Or du meilleur roman

Alors certes, j’ai eu des déceptions (Crowley, Vandermeer, pourquoi m’avez vous fait ça ?), des romans qu’on m’annonçait comme des miracles n’ont eu aucun effet enchanteur sur moi (le Lucazeau, par exemple), et l’année 2021 reste un peu terne par rapport à la précédente, lors de laquelle j’avais pris claque sur claque en littérature. Heureusement, quelques joies sont venues égayer ce paysage un peu tristoune, et ces joies sont souvent venues des Forges de Vulcain, faut bien dire les choses à un moment. Après avoir échoué sur le podium face à des monstres littéraires comme Vita Nostra en 2020, Rivers Solomon remporte logiquement le prix tant convoité avec Les Abysses, un fabuleux roman au symbolisme tragique, peut-être encore meilleur que L’Incivilité des fantômes.


Massacre d’Or du meilleur essai

Premier constat : les auteurs d’essais sont infoutus de faire des titres courts. Veuillez donc excuser l’inexactitude de l’infographie, c’est pas ma faute si la concision ne fait pas partie des qualités de ces gens-là. De qualités, ils ne sont pas dépourvus toutefois, puisque j’ai lu d’excellents livres documentaires cette année. Politique, science, philosophie, y a du choix, mais au final c’est la narratologie qui a gagné, et les éditions Aux forges de Vulcain réalisent un doublé grâce à la formidable méthode d’écriture de David Meulemans, tout simplement la meilleure que j’ai lue depuis le Ecriture de Stephen King. Pour les (ultra) motivés de la philo, la biographie de Spinoza par Steven Nadler est géniale aussi.


Massacre d’Or de la BD

Alors ici je dois m’excuser auprès d’un copain : pardon Ismaël, le Massacre d’or t’était promis et ta BD sur le racisme était sans conteste un des événements de l’année, mais il s’est passé quelque chose de terrible, j’ai découvert Jérémie Moreau. Et je dois être honnête, ça a été une grande joie de découvrir un jeune auteur aussi incroyable. C’est beau, c’est profond, c’est original, structuré, bien pensé, et en particulier les deux demi-finalistes que voilà. Avantage final au Discours de la panthère, à la fois pour la proximité temporelle et la fulgurante beauté de la réalisation.


Massacre d’Or du jeu vidéo

Bon ici y aura aucune discussion. Disco Elysium est la seule oeuvre à avoir obtenu un 10/10 en 2021, tout simplement. A l’instar de Portal avant lui pour le puzzle game par exemple, c’est un jeu qui débarque en redéfinissant complètement ce qu’on doit attendre d’un genre, en l’occurrence le jeu de rôle. Non, on n’est pas obligé de faire des combats tactiques dans un RPG, ni d’organiser un inventaire, ni de parcourir un monde immense. On peut tout simplement suivre une intrigue en agissant sur les situations par l’intermédiaire de l’univers mental du protagoniste, et le meilleur véhicule de cette nouvelle orientation de gameplay se trouve être une enquête fascinante au niveau d’écriture stratosphérique. Alors oui, Röki est un point & click enchanteur, et Humankind un excellent 4X, mais on ne parlera plus d’eux dans quelques années, alors qu’il y aura un avant et un après le chef d’oeuvre estonien de ZA/UM.

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