« Dune » de Denis Villeneuve (film)

Aucune chance d’être le moins du monde objectif : Dune est un de mes romans de SF préférés de tous les temps, un de mes romans préférés tout court, j’avais donc une appréhension énorme de cette adaptation, démultipliée par l’attente d’un an depuis sa première annonce.

Et cela commence très mal : fidèle à mes principes, je ne me renseigne sur absolument rien avant séance, et je découvre dans les premières secondes du générique un « partie 1 » qui me fait rager sur mon siège. Bien évidemment, il me suffira de quelques scènes pour revenir à la raison : il est évident que, même sur une durée assez importante de 2h30, il était impossible de synthétiser Dune correctement, surtout avec une approche narrative de ce type, et c’est donc bienvenu de scinder l’histoire en plusieurs films.

Car en effet, Villeneuve a décidé de prendre son temps. Dans la lignée de son Premier contact et de Blade Runner 2049, ce n’est pas un film bavard, ce n’est pas haletant non plus, simplement c’est à la fois intense et patient. On ne prétendra pas que c’est exempt de longueurs – je songe notamment à quelques séquences de « transes » du personnage principal, qui pourront être un chouille répétitives. Mais si les plans s’allongent et les scènes durent, de manière générale, c’est parce que l’approche de Villeneuve est avant tout graphique.

Après une exposition maline insistant sur le monde d’origine des Atréides, un monde humide aux falaises britanniques qui nous procure une goulée d’air frais avant de plonger sur le désert d’Arrakis, Villeneuve va façonner son Dune en découpant la lumière, les sables, les couleurs, dans des cadres composés comme des tableaux abstraits. Si on accepte l’obsession du cinéaste pour les ambiances brumeuses (fumées, nuages, tempêtes, particules en suspension, envahissent le champ continuellement), il faut reconnaître une maestria visuelle d’une grande maîtrise technique. Et au-delà du pictural, il y a une recherche dans le design (bâtiments, costumes, véhicules… ces ornitoptères, putain !) qui confine à la perfection. C’est exactement ça Dune, c’est précisément cette direction artistique, jusque dans les détails, qui colle à cet univers.

Et cela suffirait presque à me satisfaire. Villeneuve, dans ses films, a pour moi une grande qualité qui le rapproche de Nolan : une capacité à se tenir à équidistance d’expérimentations formelles contraignantes (chez Nolan c’est plutôt dans le montage, chez Villeneuve dans l’imagerie) et d’une importante attractivité par ailleurs, permise par le thème, le casting, les effets spéciaux… C’est du grand spectacle avec peu de concessions marketing ou industrielles (ce pourquoi je ne saisis pas bien ce qui fait que ces deux cinéastes sont régulièrement conchiés par certains critiques). Le côté contemplatif n’empêche jamais les moments plus puissants : on n’hésite pas à nous montrer des batailles et fusillades, des morceaux de bravoure, des dangers monumentaux (les vers des sables !), sans pour autant que n’en souffre l’unité graphique ni le rythme organique de l’ensemble.

Je comprendrais qu’elle rebute, mais j’aime beaucoup l’approche visuelle de Villeneuve, et il me semble incontestable qu’il y a en tout cas un vrai travail et des idées fortes dans ce domaine ; mes réserves à son sujet sont plutôt narratives, avec un sens de la dramaturgie qui a tendance à se délier dans la contemplation. Mais pas là. La richesse de l’univers de la saga romanesque est bien présent, mais pas spécialement exploré en profondeur, et c’est volontaire : on sait qu’on ne parviendra pas à restituer tous les détails dans le format du long-métrage, donc on se contente de les suggérer, et on se dépatouille avec des astuces classiques mais fonctionnelles : par exemple des explications infra-diégétiques foisonnent pour introduire les néophytes au monde d’Arrakis ; ou encore on colle des sous-titres aux passages en dialogue intérieur, hyper importants dans le roman et impossibles à restituer correctement à l’écran ; ou enfin on multiplie les flash-forward (un peu trop nombreux et insistants je l’ai déjà dit), et les voix-off prophétiques.

Pour le reste, on fait confiance aux acteurs pour véhiculer ce qui est nécessaire. Et voilà qui achève de donner du corps à l’ensemble : casting impeccable parfaitement dirigé, à commencer par ce fantastique Paul Atréides campé par Timothée Chalamet. Désolé Kyle Maclachlan, tu es un merveilleux acteur mais, comme tout le reste du film de Lynch, ta prestation de l’époque va à présent tomber dans l’oubli le plus complet, et être remplacée dans nos têtes par le spectacle sophistiqué qui nous est offert 40 ans plus tard.

Intègre mon Top 10 Films d’aventure (mais pas mon Top 10 Films de SF, paradoxalement).

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