« Radium Girls » (BD)

C’est la rentrée ! Évitons soigneusement les kilotonnes de romans qui s’apprêtent à nous tomber sur le coin de la gueule et, sages et raisonnables, lisons plutôt de belles BD. En plus, tant qu’à lire plein de drames sociaux chiants de la littérature française contemporaine, là j’ai choisi un drame social pas chiant de la BD française contemporaine.

L’autrice de Radium Girls a compris son sujet et a su saisir ce qui fait l’intérêt du drame social, précisément pour le rendre pas chiant : il faut parvenir à cristalliser dans des histoires individuelles qui nous attachent émotionnellement à des personnages tout ce que les structures à l’oeuvre dans un espace-temps donné peuvent laisser comme traces, comme un fossile pris dans la boue. Des structures forcément dégueulasses puisqu’il s’agit ici du taylorisme, du patriarcat et plus globalement du capitalisme.

L’histoire des « radium girls », ces ouvrières américaines exposées à la substance qui tua lentement Marie Curie pour peindre des cadrans de montre, possède la force des récits emblématiques, encore fallait-il trouver la forme qui sublime la situation, la sorte de sa banalité d’horreur ordinaire (« oui OK, le productivisme tue des gens, quoi de neuf ? »). Et Cy nous sort du crayon de couleur pâteux dominé par le mauve, pour contraster avec le vert luminescent du radium, aussi attirant que dangereux, et ménage ses effets de subtilité dans les visages, simples et expressifs. Les personnages sont caractérisés mais se confondent sans conséquence, sororité joyeuse et insouciante traversée par le drame implacable des décès, comme dans ces cases en pleine page sublimes qui nous annoncent la prochaine victime.

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