Les jeux vidéo de janvier 2022 (« UnMetal » ; « Planescape Torment » ; « Before your eyes »)

UnMetal : Jeu vidéo de FRAN (Espagne) publié par Versus Evil en 2021 de type Infiltration/Parodique.

Je suis un peu embêté pour parler de UnMetal, parce que ça se veut être une parodie des jeux d’infiltration console, notamment la série des Metal Gear Solid évidemment. Or je ne connais rien à tout ça, j’ai arrêté les consoles après la Master System, et si j’adore les jeux d’infiltration il s’agit de gameplay plus orientés clavier/souris, comme les jeux Mimimi (type Shadow Tactics) ou les vues FPS (Dishonored).

Mon avis n’est donc pas représentatif : sans doute suis-je passé à côté d’une partie du plaisir référentiel que cherche à susciter UnMetal. J’ai trouvé que c’était un bon jeu, qui renouvelle très bien son gameplay au fil de la partie tout en restant sur ses solides bases, assez simples à exécuter mais pouvant générer des passages frustrants avec beaucoup de die & retry (ce qui est un marqueur et pour moi une plaie du jeu console).

Par contre ce qui est brillant c’est sa narration. Je ne vais pas trop en révéler pour ne pas casser les surprises, mais UnMetal ne s’amuse pas seulement à parodier son genre avec une grande intelligence et une écriture irrésistible (la preuve, ça m’a beaucoup amusé sans que je maîtrise le matériau de base), il se permet même d’enchâsser ça dans une méta-narration à plusieurs niveaux de récit, qui transcende le « simple » clin d’oeil amusant. Du coup, même si je ne peux pas dire m’être régalé d’un bout à l’autre, je recommande chaudement et je pense m’en souvenir à titre d’exemple de ce type d’expérience narrative (un peu comme There is no game dans le cas des point & click).

Ma note : 7/10


Planescape : Torment (enhanced edition) : Jeu vidéo de BEAMDOG (Canada) autoédité en 2017 (1999 pour l’édition originale de Blask Isle Studios) de type RPG/Fantasy

En faisant l’acquisition (au prix dérisoire) de cette refonte du vénérable chef d’oeuvre de Black Isle, mon objectif était une plongée simple et plaisante dans la piscine à bulle de la nostalgie. Objectif totalement atteint.

C’est peu dire que l’équipe de Beamdog, qui a géré le développement de cette « enhanced edition », ne s’est pas foulée : résolution augmentée, quelques bugs bloquants embêtants de l’édition originale corrigés, ergonomie un chouilla modernisée, et roulez jeunesse. C’est aussi un signe, cependant, qu’il n’y avait pas grand chose à améliorer à ce qui fut mon meilleur jeu de rôle sur ordinateur de tous les temps jusqu’à l’an dernier (et le choc Disco Elysium).

Cela vient confirmer deux choses. La première : découvrir Planescape : Torment en 1999 fut une claque gigantesque pour les adolescents que nous étions (j’avais alors 14 ans). Pourtant, au niveau du gameplay, rien de bien neuf par rapport à Baldur’s Gate qui m’avait déjà retourné le cerveau l’année précédente. Mais cet univers ! ce scénario ! cette écriture ! Aujourd’hui encore, j’ai pris un immense plaisir à aborder cette galerie de personnages aux parcours, enjeux, dialogues si déroutants et originaux. J’ai aidé un quartier à accoucher, j’ai déjoué les pièges d’un dodécaèdre qui renfermait le journal d’une de mes précédentes incarnations paranoïaque, j’ai été enfermé dans un dédale pour avoir provoqué une déesse susceptible, j’ai arpenté les couloirs d’une maison de passe dont les « prostituées » se spécialisent dans les plaisirs intellectuels, j’ai rencontré un golem de métal géant qui m’a forgé une clé pour ouvrir un portail caché, et je pourrais écrire encore trois paragraphes de ce genre. Chaque aspect du jeu est d’une inventivité folle, je n’ai jamais retrouvé un univers de ce type depuis, et visuellement la direction artistique claque malgré les contraintes techniques. C’était quand même autre chose que la high fantasy au kilomètre qu’on nous servait systématiquement à l’époque.

La seconde : c’est frappant à quel point on n’a pas avancé depuis 1999 dans le domaine des CRPG à l’isométrique, à l’exception notable de Disco Elysium dont le futur nous dira s’il reste un cas isolé ou s’il lance enfin une nouvelle tendance. Alors qu’il s’agit peut-être de mon sous-genre de jeu vidéo favori, je me rend compte à quel point l’intégralité des jeux de ce type que j’ai pu pratiquer dans les 20 ans qui suivirent Planescape ont pu me barber (au premier chef les imbitables Pillars of Eternity). Si on excepte les jeux Larian (Divinity : Original Sin) qui sont excellents mais résolument orientés tactique, c’est fou à quel point les histoires qu’on m’a proposé d’investir en incarnant un personnage (car c’est bien là l’essence du jeu de rôle) ont échoué à me captiver.

Bref, profitez de cette « enhanced edition » qui ne « enhance » pas grand chose, et si ce n’est fait découvrez ce que c’est un CRPG qui vous embarque loin.

Ma note : 10/10

Before your eyes : Jeu vidéo de GOODBYE WORLD GAMES (USA) édité par Skybound Games en 2021 de type Narratif/Autofiction

Vous savez, en tant que bibliothécaire je me sens obligé d’élargir mes horizons et de m’ouvrir sans préjugés à un maximum de genres et de styles. Toutefois, on reste des humains, et dans la liste des genres dont je me sers régulièrement à titre d’analyse, j’ai conscience de pouvoir hiérarchiser le plaisir que me procurent les 7 genres que je distingue dans mon petit système théorique. L’aventure reste mon genre-roi, mais le mystère et son pendant l’enquête me fascinent. L’horreur me magnétise très régulièrement. J’adore aussi l’humour, l’action, et quand c’est pas trop cliché la romance. Par contre, s’il est un genre qui continue à me laisser sceptique presque par principe, c’est le drame. Les récits de vie qui essaient de vous accrocher par la seule empathie que vous ressentez pour le/la protagoniste, les tire-larmes au pathos facile, souvent imbriqués à des modalités réalistes ou naturalistes, ça ne fonctionne pas sur moi. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, il y a évidemment des drames qui parviennent à me saisir, comme le montre par exemple mon Top 10 des films dramatiques.

Mais voilà ce qui a foiré avec Before your eyes : c’est un petit jeu narratif hyper mélodramatique, dans lequel vous incarnez une personne qui vient de mourir. Dans la barque styxienne qui vous mène dans l’au-delà, vous êtes amené à revivre des moments-clés de votre existence depuis la plus petite enfance, des instantanés de quelques secondes, parfois quelques minutes, qui restituent le récit biographique qui a fait ce que vous êtes. Il y a un assez joli développement narratif, c’est plutôt bien raconté, bien écrit et bien entrelacé avec la musique. Il y a un twist vers la fin qui est effectivement émouvant. Pourtant, ça n’a pas fonctionné sur moi. Peut-être ai-je été mal préparé par le gameplay à concept qui est tombé totalement à plat dans mon expérience. En effet, le jeu utilise votre webcam pour capter vos clignements d’yeux, qui viennent en quelque sorte remplacer les clics de souris, et il y a un enjeu qui se crée autour du fait de garder les yeux ouverts ou de les fermer au bon moment (tu la sens ma grosse allégorie ?). Problème : c’est techniquement à la rue. Comme ça ne fonctionne pas bien, j’ai été obligé de régler la captation oculaire environ une quinzaine de fois, ce qui n’est parvenu qu’à m’agacer et ruiner mon immersion. Peinant à m’investir dans mon histoire, je n’ai donc pas pu surmonter l’effort de supporter un genre qui ne me captive pas au premier abord.

Ma note : 5/10

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