« RimWorld », un jeu vidéo qui fait rimer le monde

RimWorld : jeu vidéo de Tynan SYLVESTER (Canada) édité par Ludeon Studios en 2018 de type Survie/Planet Opera

rimworld

On m’a fait remarquer récemment que je n’ai jamais parlé de RimWorld sur ce blog, alors que je ne cesse autour de moi d’en vanter l’excellence. Parfois même, je me laisse un peu aller, et je vais jusqu’à dire que c’est mon jeu préféré depuis quelques années, et rien ne semble pouvoir m’en distraire. Je joue à plein de choses évidemment, mais il se passe rarement un mois sans que je ne me relance une petite colonie, sans que ne résonne en moi l’appel de la narration vidéoludique parfaite.

En effet, ce que propose RimWorld, c’est de vous mettre aux manettes d’un groupe de personnages, avec chacun leurs caractéristiques (apparence physique, mentalité, traits de caractère, habiletés, relations sociales…), et de vous faire atterrir en catastrophe sur une planète à l’ambiance SF low-tech, au beau milieu d’une carte vue de dessus modélisée à l’ancienne, tout comme les objets et personnages – ce qui donne un aspect à la fois rude, minimaliste et mignon qui siéent fort bien au propos. Sur cette carte, vous devrez bâtir une colonie et survivre, tout simplement. Pour cela, il faudra vous occuper de vos petits bonhommes : les nourrir, les couvrir, les protéger, veiller à leurs santés physique et mentale, à leurs vies sociales, à leurs loisirs. La totalité des éléments présents sur la carte est exploitable : coupez du bois, transformez de blocs de pierre en briques pour bâtir des murs, semez des zones agricoles, ramassez des baies, chassez la faune locale, puis lorsque votre expansion le permet, attaquez l’arbre technologique que vous débloquez en faisant de la recherche : artisanat, armurerie, médecine, agriculture, énergie, électronique… il y a plein de domaines à découvrir et améliorer, à la fois dans une optique de survie et de confort.

Le coup de génie de Tynan Sylvester, inspiré par des jeux indé comme Dwarf Fortress, c’est de ne pas vous faire agir directement sur l’environnement : ce sont vos personnages qui peuvent le faire, et pour cela vous n’avez d’autre choix que de les assigner à des « métiers » selon des degrés de priorité (et selon leurs spécialités) dans une barre des tâches dédiée : forestier, mineur, geôlier (oui, on peut capturer des gens), dresseur (oui, on peut apprivoiser des animaux), couturier (oui, on peut se fabriquer ses propres vêtements, bon OK j’arrête vous avec compris le truc on peut à peu près tout faire)… C’est à vous de voir quelle est la manière la plus adéquate d’organiser leur survie : prioriser la bouffe ? OK, mais quel genre ? On sème des céréales ou plutôt du maïs ? On chasse, mais quel type d’animal ? Avec quelle arme ? Qui se charge de fabriquer des arcs ? Qui se charge de couper des arbres pour stocker du bois ? Qui s’occupe de recharger régulièrement la centrale à bois qui fournit l’électricité ? Est-ce qu’il ne vaut pas mieux passer à l’éolien ? Ou au solaire ? Mais est-ce qu’on a débloqué ces technologies ?

rimworld sante

Sur l’image ci-dessus, vous pouvez mesurer le degré de détail colossal de chaque parcelle du jeu : la fenêtre de gauche indique tous les désordres physiques dont souffre le personnage…

La difficulté est élevée, mais indexée à un certain nombre de variables que vous pouvez prédéfinir : par exemple les différents biomes présents sur la planète (forêt, toundra, jungle, désert) ne sont pas légion mais, étant générés de manière procédurale, ils vous garantissent un certain renouvellement du contexte de départ, même après avoir lancé un grand nombre de parties. Et ils sont plus ou moins accueillants (ne démarrez pas d’emblée sur une carte de désert si vous ne voulez pas vous dégoûter du jeu). Il y a aussi les événements aléatoires : raids d’assaillants, variations climatiques, animaux enragés, chutes de météorites, ils vont venir pimenter votre partie… en vous mettant en danger de mort permanent. Ne pas oublier non plus toute la partie sociale : vous êtes entouré de factions plus ou moins hostiles, et vous recevez souvent des visites plus ou moins amicales, sans parler des quêtes, dangereuses mais pouvant rapporter gros, ni des secrets inavouables enfermés derrière des murs mystérieux… Vous ne serez jamais assez prévoyant dans RimWorld, alors partez du principe qu’il y a toujours quelque chose à faire, à anticiper, à améliorer.

Ce que j’ai décrit jusqu’à présent correspond à un paquet de jeux de survie tout à fait efficaces (Don’t starve est l’exemple le plus évident), mais RimWorld a un petit quelque chose qui le rend différent et le fait sortir du lot pour entrer dans la catégorie des jeux mythiques, auxquels on jouera encore dans 10 ans : chaque partie est une véritable aventure narrative. Il y a une base de gameplay solide et accaparante, mais malmenée par tant de variables (carte, biome, personnages, événements, hasards) que chaque partie vous fusionne à vos personnages, avec une puissance d’identification que j’ai rarement vécue dans un jeu vidéo, surtout un jeu procédural : vous allez penser à votre colonie au boulot, le soir en allant vous coucher, le matin au réveil, vous aurez des inquiétudes permanentes au sujet de Kavka, qui vient de contracter la malaria, ou de Christopher, qui se lance dans une courageuse chasse au puma, vitale pour la colonie mais qui pourrait se révéler mortelle – vu qu’il n’est équipé que d’une lance en bois. Pour vous dire le genre de situation dans laquelle on peut se retrouver dans ce jeu, et qui vous marquent durablement, je vais vous raconter un truc qui m’est arrivé il y a quelques parties.

J’avais une colonie sympathique dans une forêt sibérienne : un personnage principal accompagné de quelques fuyards qu’il a soignés et « recueillis », en échange de quoi ils sont assignés à toutes les taches à la con comme le minage et le nettoyage (bref, ce sont ses esclaves). Ce personnage, appelons-le Stuart, s’est mis en tête de dresser des animaux pour en tirer quelques ressources : des alpagas pour la laine par exemple, mais aussi un superbe rataboum, rongeur extraordinaire qui produit du chemfuel quand on le traie ! Mais bien vite, Stuart oublie la raison première de son dressage, et s’attache à son rataboum (femelle), qu’il a baptisée Beloubet. Il finit même par lui confectionner un panier en tissu pour qu’elle puisse dormir au chaud à l’intérieur. Les mois et les années passent, Stuart s’en sort pas mal, on est sur une assez belle partie. Mais voilà que Beloubet contracte une maladie soudaine, je crois que c’était la rage, et Stuart lui prodigue des soins affectueux avec ses meilleurs médicaments. On pense à une amélioration de son état. Puis soudain, une nuit, je suis traversé par un sursaut soudain car j’entends une explosion sèche, toute proche (les bruitages sont très bien faits). En effet, il fallait avoir une information que j’ignorais : les rataboums ne s’appellent pas comme ça pour rien, ils explosent lorsqu’ils meurent. Beloubet venait en fait de succomber à sa maladie, de ce fait elle a pété comme un ballon trop plein, a foutu le feu à la panière en tissu, feu qui s’est propagé en quelques secondes au parquet, puis à la porte en bois. L’incendie a ravagé toute ma colonie, et Stuart est mort d’asphyxie en essayant vainement d’étouffer les flammes alors que j’aurais dû le réfugier derrière la rivière – mais je voulais tellement sauver le couteau en jade qu’il avait fabriqué, et qui était stocké dans la réserve à objets précieux, que j’ai pris la micro-décision fatale, vraiment je m’en veux.

C’est pour ce genre d’histoires que je me remets sans cesse à RimWorld, même en le lâchant sporadiquement en pestant contre une énième mort injuste et prématurée. En effet, après 225 heures de jeu selon mon compte Steam, j’ai atteint un degré de maîtrise qui me conduit à jouer exclusivement en mode « Engagement » (aucune sauvegarde, mort permanente – si vous perdez, vous n’avez plus qu’à pleurer) et avec le scénario « Brutalité nue » (vous démarrez avec un personnage seul, nu, sans aucun objet ni aucune ressource, vous partez véritablement de zéro). Pourtant, je n’ai encore jamais atteint l’objectif final qui sert de carotte, et qui consiste à fabriquer une fusée pour quitter la planète. Je suis à un stade où l’effet de répétition peut commencer à se faire sentir, et je regrette un peu que le développeur n’ait pas prévu quelques autres variables : d’époque, d’arbre technologique, d’environnement par exemple. Mais je ne vais pas non plus me plaindre : il existe des tonnes de mods conçus par la communauté, et le suivi du jeu est très bon (encore récemment, une grosse mise à jour a amélioré l’interface et un DLC est disponible, même s’il a pas l’air terrible).

J’espère que vous comprenez mieux, maintenant, pourquoi RimWorld est le meilleur jeu du monde. Alors profitez de votre temps disponible, faites-en l’acquisition maintenant, et échangeons nos belles histoires.

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